Et vous, comment voyez-vous la relation homme/chien?
L'homme et le chien partagent leurs vies depuis plus de 7000 ans. Leur relation a passablement évoluée passant du partage de proies après leur chasse ou bien de donner l'alerte en cas de danger ou encore d'assurer la protection de la famille et celle des troupeaux.
Désormais bien plus qu'un rôle utilitaire/de travail au sein de sa famille, il n'en reste pas moins que la vision de la relation qu'on souhaite construire avec cet intelligent mammifère (qui est génétiquement pas si loin de nous, ne l'oublions pas!) demeure très différente d'une personne à l'autre. Une question d'expérience, de culture ou d'éducation... peut-être?
Ceci nous amène à vous partager le texte qui suit. Nous l'avons trouvé tellement bien écrit, que nous jugeons qu'il mérite que vous preniez quelques minutes pour le lire! Ces mots d'Audrey Ventura, comportementaliste canin et félin, reflète entièrement notre facon de voir ce que nous espérons voir se construire entre la descendance de L'Archer'O et leur famille. Bonne lecture!
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"Le chien, cet animal qui nous échappe".
*** L'HUMAIN ET LE CHIEN : DES ANIMAUX DONT LE PREMIER S'IGNORE... ***
Canis familiaris (notre chien domestique) est un mammifère social de la famille des canidés carnivores, souvent prédateurs. Il est une sous-espèce de canis lupus. C’est un animal qui vit parmi la société des hommes mais sa nature non-humaine le situe aussi dans l’environnement naturel, le plein air, les grands espaces. C’est son éthologie, à la fois profondément attachée à un foyer humain mais aussi viscéralement relié à la nature, la terre, le sol.
Durant les premiers mois de sa vie aux côtés de son animal humain d'attachement, le chiot va se montrer plutôt docile (exception faite de quelques personnalités déjà très affirmées au plus jeune âge, bon courage ;-)). Mais la plupart des chiots va suivre comme son ombre cette figure de référence humaine, exaucer le moindre de ses souhaits et le préférer naturellement à toute autre distraction dans l’environnement extérieur. Évidemment à cet âge précoce, le courage de s’éloigner, de prendre des initiatives et de se rebeller lui manque encore.
CELA NE VA PAS DURER
À ce stade, le chiot est comme une éponge (sauf pathologies décelables à cet âge). Dehors, il suit son humain comme son ombre. À la maison, il fait la fierté de sa famille humaine. Il réussit tous les exercices qu’on s’empresse de lui apprendre. Il accepte d’en faire la démonstration à l’entourage qui s’émerveille. Il se montre exemplaire sur un plan comportemental, un vrai petit singe savant plein de "will to please". C’est en réalité un bébé dont les hormones et la génétique sont encore en sommeil. En dépit des avertissements bienveillants qui consistent à prévenir les humains que cette obéissance aveugle est un leurre qui ne perdurera pas et malgré les conseils de moins travailler les ordres pour privilégier la relation et les autocontrôles émotionnels, je constate depuis toujours une grande difficulté à les entendre et une propension à la panique dès les premières récalcitrances de la puberté. C’est un peu comme si l’être humain croyait que ce petit être dont on répète partout qu’il est très intelligent, allait toute sa vie se laisser mener par le bout du nez par une espèce amie certes, mais qui ne sera jamais son congénère.
Selon les races et les lignées génétiques, l’adolescence du chien démarre aux alentours de 5-6 mois. Nous allons alors assister au réveil de l’essence même de toute son existence : son animalité et l’attraction très forte vers l’environnement naturel qui l’appelle. Alors, soudain, l’humain d’attachement est démuni. Il n’est plus le centre de l’univers de son chiot qui grandit. Il affirme que « l’obéissance ne fonctionne plus ».
C'EST VRAI
On commence à entendre « il est trop têtu », « il ne m’écoute plus » ou pire, « il ne comprend plus rien ». Et parfois, c’est à l’éducateur que certains personnes adresseront leurs reproches. La vérité c’est que le jeune chien en puberté n’a plus envie d’écouter son humain. Il ne l’intéresse plus assez. La réalité c’est qu’il a trouvé plus attractif que lui : l’environnement naturel, ses odeurs, ses proies qui fuient, les congénères qu’il croise, les autres humains qu’il rencontre, etc. Et ce constat s’impose toujours parce que l’humain d’attachement a souvent du mal à comprendre que les exercices répétitifs, l’obéissance gratuite et l’accomplissement de tricks au clicker ne remplaceront jamais une relation inter-espèce saine, construite sur les bases du respect des émotions, de l’expérience sereine de l’environnement, de la prise de décision autonome.
Une relation solide est construite dans le respect de l’éthologie de l’animal. Elle le rend adapté et adaptable. Elle nous rend sécurisant et fait de nous un repère. Ce lien renforce tout ce que le chien exprime spontanément à longueur de journée à notre égard. Le problème est que la plupart du temps, ces initiatives précieuses exprimées très tôt par le chiot restent sans réponse. Elles ne sont pas vues ou ne sont pas appréciées à leur juste valeur. L’humain considère que c’est normal et se hâte de relever ce que son chien ne fait pas au lieu de se satisfaire de tout ce qu’il accomplit déjà - de lui-même.
QUE FAUT-IL FAIRE?
Durant les premiers mois de la vie du chiot, promenons-nous avec lui en longe légère d’au moins 10 mètres ou en pleine liberté si le suivi est bon, dans des milieux naturels (prairie, forêt, chemin de campagne, montagne, plage, etc.). C’est un pré-requis sur lequel il ne faut pas transiger. Un chiot n’exprime et n’apprend rien en laisse courte. La laisse courte l’empêche de faire des choix et d’adopter des comportements sains. Il ne peut pas s'adapter car il se trouve dans une situation de contrainte. C’est se tirer une balle dans le pied que de l’attacher court. C’est amener le chiot à tirer et à conditionner ce comportement désagréable.
En longe ou en liberté, cet animal vif, curieux et actif peut alors prendre des initiatives, explorer, adopter les comportements induits par sa personnalité et souvent, à cet âge, il se comporte bien. C’est le moment idéal pour renforcer généreusement tous les comportements exprimés à notre attention. Mais pour cela, il nous faudra éteindre notre téléphone, nous concentrer sur l’instant présent et nous taire, pour un temps seulement, afin de l’observer et de pouvoir nous rendre compte. En fait, il faudrait juste cesser de dire « je promène mon chien » pour préférer « je me promène avec mon chien ».
MAIS SE RENDRE COMPTE DE QUOI ?
Que le chiot, dans les premiers mois de sa relation avec son humain d’adoption, passe son temps à exprimer des intentions louables envers lui. Je suis souvent spectatrice de comportements qui m'émerveillent chez les chiots et qui laissent leurs humains totalement de marbre, même quand je leur fais remarquer ces comportements. "Mais quand saura-t-il faire ceci ?" ou "Quand allons-nous travailler cela?".
L'humain est trop pressé ou trop exigeant pour réussir à les apprécier. À ce stade, il en est souvent à vouloir réaliser des exercices prématurés alors qu'il n’a encore construit aucun lien solide avec ce chiot (et en dépit du fait que souvent, la plupart de ces demandes n’ont aucun sens pour lui). On veut « le travailler » (une expression détestable) car il apprend vite et il faut en profiter. L’humain se sent maître de la situation et veut enseigner un maximum. Mais c’est aussi durant cette période qu’il perd un temps précieux pendant lequel l’attrait pour l’environnement naturel grandit à mesure que la positivité de l’humain est en chute libre. Et qui n’apprend pas à son jeune chien que la relation avec l’homme peut être renforçante, développante, valorisante, motivante même à l’extérieur, se heurtera aux pires déconvenues à l’âge adulte. Car oui, le chien est en devenir. Il a des projets de développement personnel. Comme tout être vivant intelligent, il a des aspirations. Nous pourrions ne pas en faire partie.
LE CHIEN OBÉIT ET EXÉCUTE ? MAIS QU'A T-ON FAIT DE TOUTES SES PROPOSITIONS ?
Si les attentions et initiatives à notre égard ne sont jamais vues, valorisées et renforcées, il ne faut pas s’étonner que durant la puberté, notre chien commence à nous ignorer et à préférer l’environnement qui est lui, auto-renforçant. Notre chien est un animal. Il est normal que sa nature le tourne vers les milieux naturels. La question qui se pose est « Qui sommes-nous devenus au fur et à mesure du temps pour lui ? ». Une personne qui vit des aventures palpitantes avec lui, qui l’aide à se développer personnellement, qui le soutient dans ses émotions ou quelqu’un qui lui fait sans arrêt accomplir des exercices ou lui donne des ordres ? Ce n’est pas à notre chien de devenir un humain mais à nous de devenir un chien si nous avons l’ambition de nous en faire un ami. Devenir un chien c’est le comprendre, lui et ses besoins, ses émotions, son mode de fonctionnement et évidemment, sa communication et ses motivations profondes. Un chien qui ne croise jamais le regard de ses humains ira inévitablement trouver le renforcement ailleurs. Il n'en souffrira pas, l'humain oui.
Alors acceptons son animalité. Observons-le et renforçons-le, surtout quand il est à distance. Soyons dans le renforcement des comportements spontanés et non dans la demande rébarbative et systématique. Attendons que notre chiot propose. Il ne fait que ça.
Voici quelques exemples : Votre chiot marche à quelques mètres devant vous, s’arrête et se retourne pour vous regarder ? Ne ratez pas un seul de cet excellent comportement. Cliquez et dites-lui « Tu m’attends? »! Il flâne à quelques mètres derrière vous et, voyant que vous poursuivez votre chemin, revient vite marcher à côté de vous ? Marquez-le joyeusement en disant « Tu reviens ? ». Vous vous arrêtez. Il le voit, vous rejoint et s’assoit ou reste près de vous pendant que vous discutez ? Renforcez avec « Ou, tu restes ? ». La tonalité interrogative est très importante ;-) Soyez généreux, donnez des appâts, des séquences de jeu, des regards et des sourires.
Tout ce qu’il fait de lui-même doit être marqué et récompensé de manière alternative. Il aperçoit un congénère au loin, vous regarde (excellent comportement), semble hésiter et vous n’apportez aucune réponse ? Comment lui reprocher de partir à sa rencontre ? Qu’avez-vous proposé d’intéressant pour qu'il reste ? Une fois, deux fois, trois fois. Les absences répétées de réponses agréables et de renforcements ne lui apprennent qu’une seule chose : Cela ne sert à rien de communiquer avec vous. À l’extérieur, vous êtes devenu inopérant. À l'extérieur, le contrôle vous fait perdre la partie.
À l’âge adulte, les plus belles relations homme-chien appartiennent aux humains qui ont lâché prise sur l’obéissance pour s’intéresser vraiment à leur animal et à son bien-être, sans aucune idée de faire-valoir. Est-ce l’homme qui s’est trouvé pour pouvoir trouver son chien ? Est-ce en trouvant son chien que l’on se trouve ? Je ne sais pas. En tous cas, certains humains restent en difficulté avec un chien qu’ils ne comprennent pas ou qu’ils n’ont tout simplement pas envie de comprendre. Ils se montrent déçus car leur chien ne correspond plus à l’image qu’ils s’étaient faite de lui. C’est dommage et triste. Mais ce n’est jamais irréversible ;-)
Toutes les relations homme-chien peuvent être améliorées. Toutes. Les humains et les chiens sont des êtres imparfaits mais perfectibles, à condition de ne pas insister sur cette idée - très humaine - que le chien doit se montrer adapté à notre société sans rien attendre en retour.
« POUR NOS BEAUX YEUX», ON PEUT TOUJOURS RÊVER
C’est à l’homme de se mettre au niveau de l’animal pour entrer en contact avec lui, pas le contraire. Nos sociétés trop éduquantes, stressées, exigeantes et capricieuses sont déjà des rouleaux compresseurs pour nos enfants. Faudrait-il vraiment que les animaux-non-humains se plient aussi
à nos fonctionnements basés sur l’autorité, l’obéissance, l’exécution voire la répression ? Je ne dis pas qu’il ne faut rien demander à nos chiens. Je dis qu’il y a un temps pour tout. La priorité n’est pas à l’obéissance mais à la relation avec lui et à la gestion émotionnelle. Le reste peut attendre...
Rappelons-nous un peu plus souvent que nous sommes des animaux, nous aussi. Nous avons bien plus de points communs avec nos chiens que nous le pensons. Peut-être est-ce notre condition humaine qui nous empêche parfois de nous ouvrir à lui. Mais lorsque cela arrive, nous comprenons alors quel rôle essentiel notre chien a joué dans notre développement personnel."
- Audrey Ventura
Comportement - Éducation - Conseil
@cynoconsult
Valenciennes
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